[EXPERIENCE] L' Elastique

Mes débuts en vol de campagne et mes difficultés à quitter le local de l'aérodrome de Bailleau ......

L’ Elastique

Tout le monde connaît cette matière souple. Une origine minérale ? végétale ? Non, celui dont je veux vous parler est d’origine animale. En tout cas il est doué d’une certaine forme d’intelligence. J’ai joué au « profiler » pour dresser son portrait psychique. J’ai donc formulé quelques hypothèses.

La première fois que j’ai rencontré l’Elastique, c’était en 2005. Je venais d’être « lâché campagne ». Je m’aventure avec Victor, le 10ème du nom, l’un des LS4 de mon club de Bailleau, en direction d’Etampes. Je suis à la hauteur d’Auneau (à 10 kms), seul dans les airs, quand subitement « il » accroche une de ses extrémités à mon LS4. Je suppose que l’autre extrémité est accrochée au pied de la manche à air de Bailleau car mon planeur à fait un 180 et je me retrouve au dessus de terrain. Beaucoup parmi vous ont du connaître à leurs débuts un épisode similaire. Vous avez pensé à votre propre manque d’assurance, à votre envie de revenir à l’écurie ? Non, non, c’était l’Elastique qui, agissant tel celui d’un Jokari, vous a ramené à votre point de départ.

Première hypothèse : l’Elastique s’en prend surtout aux pilotes peu expérimentés et seuls dans les airs. Il est grand (10 à 20 kms) et possède un pied fixé au sol.

Le lendemain, Eric GARNIER me propose de le suivre jusqu’à St-André (50 kms). Les plafonds ne sont pas extraordinaires mais je reste dans le sillage du LS6, ne le quittant pas des yeux pour bien repérer la sélection des pompes faite par Eric. Vous me croirez si vous voulez, mais l’Elastique ne m’importune pas. « Il » me laisse profiter de cette excellente leçon de cheminement prodiguée par Eric.

Seconde hypothèse : « Il » craint nos pilotes chevronnés puisqu’il en suffit d’un dans les parages pour l’éloigner des autres pilotes.

Quelques jours après, je pars, toujours avec un LS4, vers Pont-sur-Yonne. « Echo India » part en même temps que moi et pour la même destination. Un petit peu après Auneau, je crains de retrouver l’Elastique. Les varios sont bons et je reste confiant. La bête sommeille probablement. « Echo India » qui est à 1 ou 2 kms derrière moi, me dit à la radio « V10, j’abandonne, je repars à Bailleau ! ». Il venait subitement de se faire accrocher par l’Elastique.

Troisième hypothèse : l’Elastique manque de courage. Lorsque plusieurs pilotes peu expérimentés volent de concert, « Il » n’a pas la hardiesse de les affronter tous ensemble !

Je poursuis mon vol, je passe Etampes (35 kms de Bailleau) et là, je sens comme une résistance. Je me dis c’est l’Elastique qui après avoir ramené « Echo India » est revenu me chercher ! A moins que ce soit l’Elastique d’Etampes car je crois bien qu’il y en a un également, fixé à la tour. Il me semble un peu moins fort, probablement moins habitué aux planeurs que celui de Bailleau. Je lui résiste mais je sens mes forces faiblir quand j’entends à la radio « V10 de 86». C’est Emmanuel LANTELME, qui me propose de le suivre jusqu’à Pont-sur-Yonne (120 kms de Bailleau). Instantanément, l’Elastique se décroche de mon LS4 ! Bien fait ! J’apprendrai à mon retour, qu’Emmanuel ayant eu connaissance par Jean-Michel KOUN du 300 que « Echo India » et moi voulions faire, avait choisi de voler dans les parages. Là aussi, j’ai eu une magnifique leçon d’exploitation des ascendances et des cheminements, sans que ni l’Elastique de Buno, ni celui de Moret pas plus que celui de Pont-sur-Yonne ne se fassent sentir.

Ma seconde hypothèse se confirme : « Il » craint les pilotes chevronnés.

En revanche, au retour vers 15 h et pour boucler les 300 il me fallait encore aller à La Loupe. En passant non loin de Chartres, « Il » m’a fermement accroché comme pour se venger de n’avoir pas réussi à le faire plus tôt et tout ça malgré les efforts d’Emmanuel ! « Il » m’a ramené à Bailleau. Mon 300 était manqué.

Quatrième hypothèse : l’Elastique est rancunier.

Après plusieurs vols un peu similaires (dont les vols faits à Bailleau dans le cadre du stage « Perfectionnement Campagne »), avec toujours l’Elastique plus ou moins embusqué, vint enfin mon premier « 300 comme prévu » qui passait par Courtenay puis Montlandon. Ce jour-là, les varios et les plafonds sont idylliques. Hors de la TMA, je vole entre 1400 et 2200m sol. L’Elastique n’est pas venu m’importuner une seule fois. Il m’a même laissé faire une moyenne de 76 km/h ! A mon niveau, quelle satisfaction !

Sixième hypothèse : l’Elastique a un défaut de vision. Il est incapable de voir un planeur au dessus de 1400 m.

J’espère vous avoir convaincu de la nature vivante de cet Elastique. Je sens que maintenant « Il » aura beaucoup plus de mal à s’accrocher à moi, même si je sais qu’ « Il » y réussira encore. « Il » doit savoir que tous les conseils que j’ai reçu à Bailleau lui seront un jour fatal. J’en profite pour remercier tous ceux et celles qui m’ont permis en si peu de temps (ma première inscription date d’octobre 2003) d’atteindre un niveau que je n’avais pas même pas osé imaginer à l’origine. Niveau certes très modeste en regard des grands vols et des grandes performances réalisés par nos pilotes chevronnés, mais je sais que je peux compter sur l’équipe de Bailleau pour m’aider à l’améliorer encore.

Alors, jeune (ou vieux) débutant, tu rencontreras un jour l’Elastique. Apprends à le dompter, à l’apprivoiser. Nous avons dans tous les clubs des vélivoles de bonne volonté qui t’aideront pour cela. Ils sont nombreux et tu sauras les reconnaître rapidement. Ce sont ceux qui n’hésitent pas à partager, à échanger, ceux qui restent modestes devant leurs performances mais qui sont prêts à faire en sorte d’améliorer la tienne. Ils constituent une grande force pour notre activité.

Pour en revenir à l’Elastique, encore un conseil. Si un jour de fin juin, alors que les céréales ne sont pas encore moissonnées, les maïs déjà trop grands, des conditions météo peu sympathiques, si ce jour là tu sens l’Elastique t’accrocher à une quinzaine de kms de ton aérodrome, alors laisse-toi faire car ce n’est pas « Lui » mais simplement la Prudence. Cette bête là, ne cherche pas à la combattre. C’est une amie et tu dois vivre avec elle.

A bientôt sous les cumulus, Bons vols à tous.

Christian ARNOULD

PS : l’image de l’élastique m’a été donnée par Julien HENRY, un jour où je lui narrais ma frilosité à partir ... encore un autre champion qui aime partager ses connaissances et son expérience.